haïku-PENDIUM

haïku Compendium: Quelques références sur les haïku

 

Charles-Albert Lehalle, charles@lehalle.net

Relecteur: Jean-François Legrand, Olivier Gérard, David Krief

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Historique:

V 1.5 fin décembre 2003

V 1.3 le 14 décembre, ajout de l'historique et des biographies

V 1.1 le 7 décembre, prise en compte des corrections de JFL

V 1.0 le 3 novembre 2003 : premier jet

 

TODO LIST

  1. Trouver un exemple pour la « technique de l'échange du verbe et du nom ».

  2. Compléter la section biographie des grands auteurs

  3. Parcourir les liens googles de [GOO]

 

Image1Un paysage par Buson, terminé en 1771 [GEO5022c]

 

CONTENU

Introduction

Petit historique

59 RÈGLES POUR UN haïku

TECHNIQUES DE haïku

La technique de la comparaison

La technique du contraste

La technique de l'association

La technique de l'énigme

La technique du changement de sensasion (sense switching)

La technique de rétrécissement de la vision (Narrowing Focus)

La technique de la métaphore

La technique de similarité

La technique du croquis ou du Shasei de Shiki

La technique des doubles significations (double meaning)

La technique des calembours

La technique du jeux de mots

La technique de l'échange du verbe et du nom

La technique du lien étroit (close linkage)

La technique de la liaison par saut (leap linkage)

La technique du mélange vers le haut (mixing it up)

La technique du Sabi

La technique du Wabi

La technique du Yûgen

La technique du paradoxe

La technique du monde improbable

La technique de l'humour

La technique premier comme dernier (Above as Below)

LA METAPHORE CHEZ BASHO

La métaphore chez Bashô, d'après Jane Reichhold

Remarques d'après Roger Munier

Le travail de Kakio Tomizawa (1902 ~ 1962)

BIOGRAPHIES Des grands auteurs

Bashô (1644-1694)

Buson (1715-1783)

Issa (1763-1827)

Shiki (1866-1902)

Annexe

Paul Celan

Génération automatique de haïku

Site de publication de haïku

Bibliographie

 

 

 

 

 

Introduction

 

Ce document électronique regroupe des traductions assez libres de quelques documents en anglais combinés avec mes lectures en français au sujet des Haïku.

Je me suis en effet aperçu qu'il y avait très peu de documents disponibles sur internet en français au sujet des haïku, alors qu'il y a beaucoup d'informations libres à leur sujet en anglais [GOO]. La principale source que j'ai trouvée en français est la traduction par André Duhaime de quelques pages de Ryu Yotsuya intitulées « HISTOIRE DU HAÏKU, 10 haïkistes et leurs oeuvres : De Basho à Koi » [YOTDU]

 

J'ai essayé de ne pas recopier des informations déjà existantes en français, tout en recouvrant tous les domaines disponibles gratuitement en anglais.

 

Le symbole + en marge signifie qu'il s'agit d'un insert dans une partie essentiellement constituée d'une traduction de textes anglais pré-existants.

 

 

Ce document est issu d'un travail de collaboration grâce notamment aux nombreux relecteurs. Il vise à évoluer ; n'hésitez par à m'envoyer vos remarques par mail.

 

 

 

Charles-Albert Lehalle

 

 

 

Petit historique

 

D'après Roger Munier [HAI78] et René Sieffert [BAS84], le Haïku1 (haïku en anglais) est issu d'une évolution du Tanka, poème japonais de 31 syllabes réparties en deux versets de 5/7/5 et 7/7 syllabes.

Dès 905, le premier recueil de poésie japonaise (le Korin-waka-shû) comporte une section de Haïkaï (ou haïkai-ka : « poèmes libres ») : des tankas réguliers à l'allure famillière, voire comique ou burlesque, à l'opposé des waka plus formels.

Le terme haïkaï qualifie alors ce genre de forme poétique (comme le renga, alternance de vers composés par un poète et de réponses par d'autres). Le verset initial (de 5/7/5 syllabes) du renga (composé par le premier poète) est nommé hokku.

Haïku est finalement le raccourci de haïkaï-hokku.

 

Le développement des haïku est alors du en premier lieu à l'école Teimon (1571-1653), toujours d'après R. Munier.

 

Image5Buson, Voyageurs à cheval sur une montagne d'été, vers 1770 [BPIC01]

 

 

 

59 RÈGLES POUR UN haïku

Jane Reichhold, adaptation au français par Charles-Albert Lehalle

 

BASHO avait comme devise : "apprenez les règles et puis oubliez les." Il a donc d'abord dit, "apprenez les règles" voici justement quelques règles, anciennes ou non, pour construire un haïku.

 

1. Dix-sept pieds en un ver ; Ippekiro Nakatsuka (1887 ~ 1946) s'est libéré de cette contrainte, ses haïku peuvent être constitués de 20 syllabes [YOTDU], dit « haïku de forme libre ».

2. Dix-sept pieds écrits en trois vers.

3. Dix-sept pieds écrits en trois vers et divisés en 5-7-5.

4. Dix-sept pieds écrits en un vers sur une ligne verticale.

5. Moins de 17 pieds écrits en trois vers avec une répartition court-long-court.

6. Moins de 17 pieds écrits en trois vers sur une ligne verticale avec une répartition court-long-court.

7. Les trois vers ne doivent jamais faire une seule phrase.

8. Le haïku peut être lu en un souffle.

9. Nommer une saison (kigo) ou faire référence à une saison ; pour Kyoshi Takahama (1874 ~ 1959) le kigo est indispensable [YOTDU].

10. Positionner une césure à l'extrémité de la première ou deuxième ligne, mais pas aux deux.

11. Employer deux images qu'une troisième image permet de comparer.

Exemple : esprit clair, nettoie d'abord le fourneau noir, lave tes mains

12. Employer deux images qu'une troisième image met en  relation.

Exemple : flamme au halo blanc, voici l'éclipse, de ton visage

13. Employer deux images qu'une troisième image met en contraste.

Exemple : toutes deux prêtes, prenez garde à ne pas vous heurter, un feu

14. Ecrire toujours au présent.

15. Limiter au maximum le recours aux pronoms personnels.

16. Élimination de toutes les utilisations possibles des gérondifs2.

17. L'emploi des articles doit être très contrôlé. Ni trop, ni trop peu...

18. Utiliser le même champ sémantique dans deux phrases

19. Utiliser des fragments de phrase.

20. Maîtrisez l'ordre dans lequel les images sont présentées. Par exemple: d'abord la vue à angle large, à moyenne portée puis en plan rapproché.

21. Positionner la chute sur la dernière ligne.

22. Les premières lignes doivent être fascinantes et attirantes.

23. Écrivez uniquement au sujet des choses ordinaires en utilisant un vocabulaire ordinaire (Shasai).

24. Soyez Zen et laissez votre haïku former des images avec très peu de mots.

25. Inspirez-vous d'une religion ou d'une philosophie.

26. Employez seulement des images concrètes.

27. Inventez des expressions lyriques afin de former des images.

28. Essayez d'avoir plusieurs niveaux de signification dans vos haïku. En surface c'est un ensemble d'images simples ; en dessous se révèle une philosophie ou une leçon de la vie.

29. Employez des images qui évoquent une vie rustique et simple (Sabi)

30. Employez des images qui évoquent une élégance classique (Shubumi)

31. Employez des images qui évoquent le romantisme et la nostalgie. (Beauté austère - Wabi)

32. Employez les images qui évoquent une solitude mystérieuse. (Yugen)

33. Utilisez des paradoxes.

34. Vous pouvez utiliser des calembours et des jeux de mots.

35. Décrivez des choses extraordinaires ou impossibles avec des mots simples.

36. Utilisez des images subtiles et élégantes. (pas de guerre, de pornographie, ni de crime)

37. Contentez vous pour évoquer une image de la description de son impact dans la vie réelle.

38. Employez seulement les images de la nature (aucune mention de l'humanité.)

39. Mélanger humanité et nature en reliant un sentiment humain à un aspect de nature.

40. Associez aux humains une référence à des objets non naturels que vous emploirez dans vos haïku.

41. Évitez toute référence à vous-même dans un haïku.

42. Faite référence à vous en tant que poète, vieil homme ou vieille femme, ou avec un pronom personnel.

43. N'employez aucune ponctuation afin de préserver une ambiguïté.

Exemple: employez la ponctuation normale ainsi : (:) une attente, (;) demi arrêt, (...) un non-dit, (,) une légère pause, (--) dire la même chose en d'autres termes, (.) stop

44. Mettre une majuscule au premier mot de chaque ligne ou bien mettre une majuscule au premier mot du haïku seulement.

45. Mettez les noms en majuscule ou non suivant les règles de la langue employée.

46. Mettre tous les mots en minuscules ou mettre tous les mots en majuscule.

47. Évitez les rimes en fin de ligne.

48. Faites rimer les derniers mots des première et troisième lignes.

49. Employez des rimes dans d'autres endroits du haïku que les fins de lignes.

50. Employez l'allitération.

51. Utilisation des consonances des mots pour faire l'écho d'une émotion.

52. Finissez toujours le haïku avec un nom.

53. Écrivez le haïku d'un happening.

54. Employez n'importe quelle inspiration en tant que point de départ pour développer et écrire le haïku. (ceux-ci sont connus comme "haïku de bureau".)

55. Évitez d'employer trop de verbes.

56. Évitez les prépositions (dans - dessus - parmi - à entre) autant que possible ; particulièrement dans les premier et troisième vers courts.

57. Éliminez les adverbes.

58. N'employez pas plus d'un modificateur par nom. Cette utilisation devrait être limitée au sens central du haïku.

59. Notez tous les haïku que vous composez. Même les plus mauvais peuvent en inspirer un autre qui sera sûrement meilleur.

 

 

 

 

TECHNIQUES DE haïku

Jane Reichhold, adaptation au français par Charles-Albert Lehalle

 

La technique de la comparaison

D'après Betty Drevniok3, le haïku relie deux concepts distincts par des images clairement décrites. Ensemble, ces deux concepts se complètent et leur association forme le mystère du haïku.

 

Petit somme de printemps

cerisiers s'épanchent

en bourgeons

 

Ce qui est exprimé, mais non dit, est la pensée que des bourgeons sur un arbre peuvent être comparés aux fleurs faisant un petit somme. On pourrait également demander à quelles autres images pourraient être comparés des bourgeons de cerisiers ? Une longue liste de possibilités peut se former dans l'esprit du lecteur et remplacer la première ligne.

Il peut aussi tourner autour de cette idée ; se demander ce à quoi un paysage de printemps peut être comparé. En changeant l'une ou l'autre de ces images, on peut construire son propre haïku tout en obtenant de nouvelles appréciations et comparaisons.

 

La technique du contraste

Les vers doivent faire entrer en contraste des images.

 

Longue et forte pluie

s'accroche dans les saules

nouvelles feuilles tendres

 

Le plaisir de cette technique est l'intensité que les opposés créent. Ainsi le plus commun des instants à un intérêt grâce au haïku. La plupart des surprises de la vie provenant de contrastes, cette technique est importante pour le haïku.

 

 

La technique de l'association

Elle peut être vue ainsi:  "comment différentes choses se relient ou surgissent simultanément". Le pendant Zen de cette technique s'appelle "unité" ou montrer comment tout fait partie de tout.

Il n'est pas nécessaire d'être bouddhiste pour employer cette technique, il suffit simplement de se rendre compte de ce qui est.

 

Ancêtres

le prunier sauvage

fleuri toujours

 

S'il est trop difficile de saisir celui-ci parce que vous associez difficilement vos ancêtres à des pruniers, peut-être il est plus facile de comprendre avec :

 

Vite vers le soleil

le poney emporte avec lui

l'ombre de la montagne

 

J'observais quelques poneys tôt le matin dans un pré qui était encore partiellement couvert de l'ombre d'une montagne. J'ai vu réellement une partie de l'ombre de la montagne suivre un poney - pour finalement devenir son ombre.

 

La technique de l'énigme

C'est probablement l'une des techniques poétiques les plus anciennes. Il semble que de vieilles connaissances spirituelles aient été préservées dans de tels haïku. Il n'est pas surprenant que les énigmes fassent toujours partie de la transmission poétique.

 

Corps ensorcelés

ondulent, prisonniers des cactus

sachets de plastique

 

L'astuce est d'ancrer l'énigme le plus solidement possible avant de la révéler. Plus la phase d'ancrage est intrigante et plus forte sera la surprise. La réponse doit avoir un sens et être très concrète.

Il faut prendre garde de ne pas perdre le lecteur complètement. La réponse doit se comprendre et  être réaliste.

C'est un point à garder à l'esprit pour les haïku de bureau. Il est naturel d'arriver à la conclusion du haïku seulement si on a déjà vu des sachets en plastique accrochés aux cactus.

 

Les anciens maîtres avaient leurs énigmes préférées : est-ce une fleur tombant ou un papillon ? est-ce de la neige ou des fleurs sur ce prunier ? Suis-je un papillon rêvant que je suis un homme ou un homme rêvant que je suis un papillon.

Afin d'utiliser cette technique, vous pouvez vous demander lorsque vous voyez de la neige sur une branche, que pourrait-elle être d'autre ? Ou lorsque vous voyez un papillon : que pourrait-il être d'autre ?

 

La technique du changement de sensasion (sense switching)

C'est une technique très utilisée par les anciens maîtres japonais de haïku, mais qu'il faut employer avec beaucoup de discrétion.

Il s'agit d'évoquer un aspect sensoriel d'une chose puis de passer sur un autre sens. Habituellement il s'agit d'un passage vision vers audition ou vision vers goût.

 

Laitue campagnarde

le goût de l'eau du puit

verte

 

La technique de rétrécissement de la vision (Narrowing Focus)

C'est une technique très utilisée par Buson qui était un artiste et une personne très visuelle.

Hisajo Sugita (1890 ~ 1946) a une technique similaire qui consiste à alterner premier et arrière plan afin de créer une sensation de perspective [YOTDU] :

 

Rosée sur une feuille de colocase.

Les montagnes redressent

Leurs ombres.

 

Fondamentalement il s'agit d'évoquer tout d'abord un point de vue large sur le monde dans la première ligne, passer à un plan moyen dans la deuxième ligne puis avoir un plan rapproché à la fin (ou inversement : du plus court au plus large).

Cela semble simple, lisez une partie de l'oeuvre de Buson pour voir quand et comment il a utilisé cette technique.

 

Le toit du monde

sur un champ rempli de fleurs

une tulipe

 

La technique de la métaphore

La règle veut que l'on n'utilise pas de métaphore dans les haïku (cf section « La métaphore chez Bashô, dans ce document).

Pourtant Bashô l'a fait dans son fameux haïku du corbeau.

Il est extrêmement difficile de réaliser un haïku assez bon pour pouvoir y insérer une métaphore. Néanmoins le travail de Bashô nous a montré qu'il était possible d'y recourir parfois.

 

La technique de similarité

Il s'agit de juxtaposer deux images et de laisser le lecteur découvrir la similarité entre elles.

Il ne faut que suggérer la similarité et veiller à ce qu'elle ne soit jamais explicite. Ainsi vous donnez au lecteur une part active qui lui donne une sensation de plénitude lorsqu'il découvre la similarité que vous avez glissé dans votre haïku.

 

un long voyage

quelques fleurs de cerisier

commencent à tomber

 

La technique du croquis ou du Shasei de Shiki

Cette technique est souvent nommée d'après Shiki le « Shasai » (tranche de vie, ou croquis pris sur le vif [YOTDU]) ou le sahjitsu (réalité crue). Le principe poétique de cette technique est de « dépeindre les choses telles qu'elles sont ».

Shiki est souvent associé à cette technique car il s'était insurgé contre l'utilisation de toute autre technique. Il détestait donc les jeux de mots, énigmes, chutes, bref toutes les autres techniques décrites ici ! Il trouvait que la beauté était dans les choses simples, décrites simplement. 99% de ces haïku sont écrits dans ce style.

Après avoir composé des haïku uniquement selon cette technique, il commença à trouver en 1893 que cette technique employée trop systématiquement pouvait devenir ennuyeuse. Il composa alors des haïku plus libres.

 

Nuit tombante

les vagues tombent sur le sable

une à une

 

Dans la ligne du travail de Shiki, Suju Takano (1893 ~ 1976) a inventé l'expression "kyakkan shasei" (description objective d'après nature) et en a fait un principe d'écriture [YOTDU].

 

De la neige du printemps

Comme des vagues

Franchit la clôture.

 

La technique des doubles significations (double meaning)

Il s'agit de dire une chose pour en signifier une autre. Dans certains cas le but est de dissimuler une référence sexuelle en faisant référence à quelque chose de banal. Il y a des listes entières de mots avec de doubles significations.

 

Les yeux dans un endroit secret

enfouis au milieu du pourpre

d'un iris

 

La technique des calembours

N'oubliez pas que « hai » de haïku signifie "plaisanterie, amusement, ou peu ordinaire".

 

un signe

à la fourche de la route

« un bon repas »

 

La technique du jeux de mots

Il faut savoir que cette technique est aisée pour les japonais puisque de nombreux noms ont une double signification, par exemple parce que ce sont des homonymes. C'est aussi le cas des noms de lieux, comme souvent aux Etats Unis.

 

Lien solide entre deux rives,

voûté sous de trop nombreux pas

Pont Neuf

 

La technique de l'échange du verbe et du nom

C'est une façon de faire un jeu de mots très doux. Il s'agit d'employer un nom pour un verbe ou le contraire.

Par exemple dans une pousse de bambou et la conjugaison du verbe pousser, ou encore un couvent et le verbe couver.

Cette technique permet de former des haïku qui seraient impossibles sans cela.

 

EXEMPLE...

 

Notez que c'est une forme particulièrement adaptée à l'anglais puisque les verbes et les noms y ont souvent une forme identique : a cut – to cut, a link – to link, etc.

 

La technique du lien étroit (close linkage)

Cette technique peut être vue comme une sous-technique de la technique d'association. Mais comme elle est aussi proche des techniques de comparaison et de contraste, elle mérite une rubrique à part entière.

Il s'agit d'établir une connexion entre les deux parties du haïku, le saut doit être petit et facile à identifier.

Habituellement les débutants sont très friands de cette technique.

 

Un hiver froid

pose sur la plage

un couteau ouvert

 

La technique de la liaison par saut (leap linkage)

Il s'agit d'un raffinement de la technique précédente : Il faut beaucoup d'expérience pour utiliser cette technique qui permet à un lecteur de revenir sur un haïku plusieurs années plus tard et, ayant une meilleur compréhension de cette technique, d'y trouver un nouveau sens.

Il ne s'agit pas de suivre les poètes surréalistes comme Paul Celan4, car il est nécessaire que le saut donne un sens pratique et concret, même s'il est nouveau ou différent, au haïku.

 

Fleurs sauvages

rayon de soleil estival

dans ma main

 

La technique du mélange vers le haut (mixing it up)

Cette technique mélange les acteurs tant et si bien que le lecteur ne sait plus si c'est la nature ou un être humain qui est le sujet du haïku.

Il est possible d'obtenir cet effet en utilisant le gérondif combiné avec une action dont le sujet peut être la nature ou un être humain.

Très souvent lorsque on utilise le gérondif dans un haïku on est en train d'omettre une proposition qui serait « je suis en train de... ». La langue japonaise permet aussi de faire cela, ce qui peut tromper les traducteurs.

Le recours à cette technique est un bon moyen de combiner l'action humaine et celle de la nature en minimisant le rôle de l'auteur dans l'action dépeinte.

 

La fin de l'hiver

couvre la première rangée

des graines de laitue

 

La technique du Sabi

J'hésite presque à évoquer ce concept en tant que technique parce que le mot sabi déjà  beaucoup de significations au Japon, et maintenant qu'il vient à l'anglais il subit même de nouvelles mutations.

Le mot a captivé beaucoup de commentateurs occidentaux, les japonais continuant à faire évoluer sa véritable signification. Bill Higginson5, dans le manuel du haïku6, défini le sabi comme « la beauté avec un aspect de solitude et d'éloignement temporel, apparenté à, mais plus profond que la nostalgie ». Suzuki maintient que le sabi est "la solitude" mais qu'il peut également être le malheur, l'insignifiant, et le pitoyable ou la pauvreté. Donald Keene voit le sabi comme "sous-entendu cachant de grandes profondeurs". Il y a donc un large éventail d'interprétations du sabi.

Je l'ai traduit comme :SAH-BEE : vénérable / solitude. Le sabi exprime dans la poésie  quelque chose qui a vieilli ou qui a survécu avec un soupçon de tristesse proche de l'abandon. Un aiguillage ferroviaire abandonné depuis longtemps et couverts de vignes vierges est « sabi »; contrairement à une barrière fraîchement peinte.

En tant que technique le sabi recours à un mélange dosé d'images et de verbes afin de créer la bonne atmosphère.

 

été rocheux

des lèvres prennent un baiser

d'une bouche en pierre

 

La technique du Wabi

Il s'agit du frère jumeau du sabi qui a été traduit par de nombreux auteurs comme « la beauté provenant de la vie simple ». Des jeans usé par le travail des fermiers ont un wabi que les fabriquant de jeans n'ont jamais pu créer artificiellement.

Il est toujours possible d'arguer que les exemples du sabi sont en fait wabi, ce qui peut être la source de longs débats.

Cependant, je pense que celui qui suit est véritablement plus wabi que sabi parce qu'il offre une scène d'intense beauté austère.

 

brouillards épars

sur les plaines ventées et stériles

naissance d'un agneau

 

La technique du Yûgen

Un autre état de la poésie japonaise est le mystère et la profondeur insondable des choses.  Il y a moins de polémique autour du yûgen qu'autour du sabi et du wabi. Peut-être simplement parce qu'il s'agit d'un concept que tout le monde reconnaît comme subjectif.

Par exemple on pourrait indiquer que le visage d'une femme à moitié cachée derrière un ventilateur est yûgen. Le même visage moitié recouvert d'un masque de beauté rosâtre n'est pas yûgen.

En ayant recours au yûgen, les auteurs de haïku plongent leur lecteur dans l'atmosphère vénérable, sacrée et finalement mystérieuse de toutes les choses communes.

Dans une de ses lettres, Jeanne Emrich7, elle suggère qu'on puisse obtenir le yûgen en décrivant quelque chose qui disparaît, ou qui apparaît soudainement de nulle part, soit par l'intermédiaire de la nuit, du brouillard, de la brume, de rues vides, de ruelles, ou de maisons.

Employer la technique de changement de sens peut aussi créer un air de mystère. Quelques auteurs anglais ont essayé de créer le yûgen en employant le mot "vieux" (old) qui a été tant utilisé qu'il y a eu finalement un tollé contre cet adjectif.

D'autres ont essayé de créer du yûgen en ayant comme sujet des fantômes et le surnaturel, ce qui n'a pas impressionné les Japonais du tout.

Les suggestions de Jeanne me semblent les plus intéressantes pour créer cet effet.

 

attachés au ponton

de forts relents de poisson

des bateaux vides

 

La technique du paradoxe

Un des objectifs du haïku est de créer chez le lecteur la confusion juste suffisante à capter son attention. Employer un paradoxe participe tout à fait à cela. Attention, il ne s'agit pas de recourir à un non-sens mais de construire un paradoxe profondément ancré dans la réalité. Cela  n'est pas facile mais on ne devrait pas avoir peur d'employer cette technique dans un haïku.

 

escaladant la colline vers le temple

les muscles des jambes se serrent

jusque dans nos gorges

 

 

La technique du monde improbable

C'est très proche de la technique du paradoxe mais c'est plus léger. C'est une technique très fréquemment utilisée par les japonais qui teinte les haïku d'une touche simple et enfantine.

Souvent il suggère une vue déformée de la réalité : ce que nous connaissons n'est pas vrai, mais a toujours la possibilité de l'être.

 

vent de soirée

les couleurs du jour

sont soufflées au loin

 

ou

 

dans la salle d'attente

un petit carré de soleil

déshabille les chaises

 

La technique de l'humour

C'est une technique à double tranchant puisqu'on ne connaît jamais la tolérance d'une autre personne pour le recours aux calembours, jeux de mots, plaisanteries, et autres allusions aux salles de bains et chambres à coucher.

Le terrain de l'humour est un terrain miné. Pourtant lorsque cela fonctionne, c'est une technique très appréciée. Comme souvent, la qualité d'un haïku se mesure à la dose d'humanité qu'il contient, et l'humour en fait évidemment partie.

Ayez en tête les limites de l'humour, utilisez les techniques de saut : puissent les dieux des haïku vous sourire.

 

visages de prunes sèches

ont les invités en entendant

un bruit privé

 

Koi Nagata (1900 ~ 1997) a souvent recours à cette technique, ce qui l'oppose à l'école  Hototogisu, beaucoup plus formelle [YOTDU].

 

 

Un silure rit

En pensant à d'autres silures

Dans d'autres étangs.

 

La technique premier comme dernier (Above as Below)

Cette technique, qui semble provenir d'un précepte religieux, a pour but de donner une belle forme à un haïku.

Pour être simple : il faut que la première ligne et la troisième ligne soient en rapport étroit ou bien se complètent. Pour certains, cela implique que la première et la dernière lignes peuvent se lire en omettant la deuxième et continuer à former un poème.

Souvent on ne sait pas où placer l'image dans un haïku : avec cette technique, les images de la première et de la deuxième lignes se complètent tellement fortement que le haïku forme naturellement un « tout ».

A titre d'exercice autour de cette technique, échangez les première et dernière lignes d'un haïku, ou éliminez sa ligne centrale, avant de vous concentrez sur son nouveau sens.

 

tenir le jour

entre mes mains

un pot d'argile

 

Ce haïku emploie également la technique de l'énigme.

 

 

En recherchant des exemples, j'ai trouvé beaucoup de haïku qui n'appartiennent à aucune de ces catégories, ce qui m'indique qu'il y a sûrement beaucoup plus de techniques.

Ces autres techniques doivent être identifiées, définies et nommées. Je m'arrête ici, espérant je vous avoir fourni assez de clefs pour que vous exploriez par vous-même les miracles du haïku.

 

 

LA METAPHORE CHEZ BASHO

 

La métaphore chez Bashô, d'après Jane Reichhold

Jane Reichhold, adaptation au français par Charles-Albert Lehalle

Image6

Combien de fois, en vos années d'étude du haïku, avez-vous entendu "jamais de métaphore dans un haïku" ? Combien de fois avez-vous écrit un très bon haïku en ayant peur de l'envoyer pour publication par crainte qu'il serait rejeté parce qu'il contient "un peu de métaphore" ?

 

Cependant, si vous avez étudié d'autres styles de poésie écrite, vous savez que l'utilisation de la métaphore est l'un de ses aspects essentiels.

 

Dans le haïku, les experts disent que nous devons mettre de côté cet outil. Pourtant Basho, le poète le plus célèbre du Japon, a utilisé la métaphore !

 

Osons récrire son plus célèbre haïku : "le crépuscule d'automne, un corbeau se pose, sur une branche nue" .

En effet les deux sont foncés, le crépuscule d'automne est semblable aux plumes lourdes qui descendent soudainement sur la branche nue la remplissant d'obscurité. Oui, le corbeau noir est le messager de la mort, la période du repos de la nature et de la vie.

Remarquons que comme souvent chez Bashô, le verbe est un élément central du haïku: le crépuscule comme le corbeau se pose sur la branche nue.

 

Le conseil souvent cité de Bashô : "pour connaître le pin, allez au pin" est également un indice pour comprendre les métaphores dans son travail.

 

Ma conviction est que la métaphore est l'un des composants possibles de l'écriture de haïku. Ce qui est important est la manière dont la métaphore est écrite dans le haïku.

 

Dans le haïku les deux parties de la métaphore (ou plutôt de la similitude) ne sont  habituellement pas reliées par "comme" (bien que dans plusieurs haïku, Basho emploie cette expression). Les éléments de la métaphore sont simplement établis dans leur expression la plus claire, la plus élémentaire et la plus triviale. Habituellement une juxtaposition d'un verbe ou d'une troisième image met en place l'aspect « métaphorique » du haïku.

 

En outre, dans le haïku, la gamme de la métaphore est limitée par un certain réalisme. Les vagues très hautes par temps d'orage qui se brisent sur une plage rappellent des lions faisant rage vers le rivage. Cette image est trop irréelle pour s'intégrer dans un haïku.  Cependant voir l'écume blanche s'élever jusqu'à une mouette en vol peut inspirer le haïku suivant :

 

La blancheur des vagues

qui s'élèvent

une mouette

 

Encourager le recours à la métaphore dans les haïku ne veut pas dire d'y recourir dans la tradition de la littérature anglaise traditionnelle. Une partie du plaisir et de la popularité du haïku est son aspect frais et nouveau, et pour les auteurs occidentaux, de mettre en place des méthodes peu communes afin d'énoncer des métaphores qui viennent au fil de l'inspiration.

 

Non seulement il faut constater que la platitude de certains haïku est souvent due à ce qu'ils ne contiennent que de simples observations sans métaphore cachée, mais il faut aussi admettre que la plupart des haïku captivants le sont car ils permettent  à une métaphore poétique de s'ancrer dans des images très concrètes ou terre-à-terre.

 

Le travail du poète est de ressentir la réalité avec sa subjectivité et de permettre à son lecteur (ou auditeur) d'y accéder. En ce sens, le poète est le reporter du monde spirituel. Une des difficultés est que le champ sémantique du spirituel est subjectif et très inconstant d'un public à l'autre. Par conséquent, afin d'évoquer des sentiments, des sensations, une vision, des sensations, dans leurs aspects subjectifs nous devons utiliser des images très concrètes et triviales dans le cadre de métaphores ou quasi-métaphores.

 

J'ai récemment étudié le point de vue de William Everson8 "la terre comme métaphore"   tous les éléments physiques de notre univers y sont vus comme des ersatz de vérités  plus grandes, plus profondes et plus fines. Les « Bach Flower Remedies » en sont une application pratique. Les essences distillées par les fleurs sont utiles non pas pour toutes leurs qualités médicinales, mais pour les émotions spirituelles qu'elles évoquent.

 

Je crois que c'est ce point de vue qui à fait de Bashô un grand poète. Quand les historiens disent que le haïku « a dégénéré » après la mort de Bashô, je suspecte que ce déclin vient de ce que le haïku ne fût plus un véhicule de la poésie ni de la vision poétique. Le haïku a alors cessé d'être un véhicule de visions poétiques. Je trouve particulièrement intéressant le travail de ceux qui se permettent de manipuler avec poésie les méthodes de la poésie elle-même et qui sont capable d'exploiter ainsi toutes les méthodes poétiques antérieures dans une nouvelle forme qui transcende toute vision monolithique.

 

 

Remarques d'après Roger Munier

Dans [HAI78], Roger Munier prend l'exemple suivant :

 

Touchée par le fil

de la canne à pêche :

la lune d'été

 

Et le commente :

« Il s'agit moins de voir, par analogie, une lanterne briller au bout d'une hampe, ou un poisson brillant dans le fleuve-monde, que d'éprouver brisée toute interprétation possible, toute organisation de l'espace : ce qui rend la lune trop facilement évoquée par tant de poète à son « en soi », hors langage. »

 

 

Le travail de Kakio Tomizawa (1902 ~ 1962)

D'après [YOTDU], Kakio Tomizawa a recours à la métaphore puisqu'il cite ses détracteurs :

 

« Le haïku est la forme poétique la plus courte du monde, donc il ne peut transmettre que peu de choses. L'essentiel du haïku, c'est l'allusion au vaste espace avec un peu de mots, non l'expressionnisme. C'est pourquoi les poètes ont eu soin de faire des descriptions simples, laissant une place à l'imagination des lecteurs. La manière de Kakio pour attirer les lecteurs, en maniant la métaphore, diminue leur liberté d'imagination et affaiblit le haïku. » Ce reproche vient principalement des poètes traditionalistes.

 

BIOGRAPHIES Des grands auteurs

 

Bashô (1644-1694)

Traduction libre de [GEO5022b]

 

Image2Bashô, pseudonyme de Matsuo Munefusa (1644-94), poète japonais, est considéré comme le meilleur auteur de haïku japonais pendant les premières années de ce style de poésie. Né dans une famille de samurai et donc noble, Bashô rejeta cet univers et devient mendiant itinérant. Il étudie alors le Zen, l'histoire, et la poésie chinoise classique, vivant dans la pauvreté des donations de ses nombreux élèves. A partir de 1667 il vécu à Edo (aujourd'hui Tokyo), où il commença à composer des haïku.

 

La structure de ses haïku reflète la simplicité de sa vie méditative. Quand il sent un besoin de solitude, il se retire dans une hutte de bambous (bashô-an en japonais), d'où son pseudonyme. Bashô met dans ses vers une qualité de nature mystique et tente d'y exprimer des thèmes universels grâce à des images normales et simples, des reflets de lune pendant les moissons aux moucherons devant sa petite maison. Bashô apporte au haïku « le style de l'élégance » (fuga-no-michi), en provenance de ses influences Zen, et approche la poésie elle-même comme façon de vivre (kado, la voie de la poésie). Il considère la poésie comme une source d'illumination.

« Vivez l'illumination, puis revenez à ce monde d'humanité ordinaire » conseille-t-il.  Et aussi : « ne suivez pas les pieds des vieux maîtres, mais recherchez ce qu'ils ont cherché ».

Sa « voie de l'élégance » ne consiste pas seulement en une élégance apparente, mais il s'agit aussi d'une recherche de la vision authentique des anciens. Son point de vue sur le monde de la nature a transformé cette forme de vers initialement passe-temps frivole en un genre important de la poésie japonaise.

 

Durant ses dix dernières années Bashô a fait plusieurs voyages, faisant de nombreux croquis destinés à inspirer sa poésie contemplative. Il a également collaboré avec les poètes locaux dans le cadre de compositions à plusieurs (connues sous le nom de renga). En plus d'être l'artiste suprême du haïku et du renga, Basho a écrit du haibun, brefs récits de voyages mélanges de prose et de poésie tels que Oku-no-hosomichi (la route étroite au nord lointain ; 1689 ; traduction anglaise., 1974, [BAS84]), qui sont absolument uniques dans le monde littéraire.

 

 

Buson (1715-1783)

Traduction libre de [GEO5022c]

 

Image3Taniguchi Buson (1716-1784), plus tard appelé Yosa Buson., fut poète de haïku et peintre japonais. Il est habituellement classé juste derrière Matsuo Bashô, maître japonais du haïku, parmi les poètes de la période d'Edo (ou de Tokugawa 1600-1868).

Buson est né dans la banlieue d'Osaka, au Japon, et a apparemment perdu ses deux parents alors qu'il était très jeune. En 1737 il s'est installé à Edo (aujourd'hui Tokyo) afin d'étudier la peinture et à la poésie du haïku dans la tradition de Bashô. Après la mort d'un de ses professeurs de poésie en 1742, il a voyagé dans les régions du nord liées à Bashô puis a visité le Japon occidental, s'établissant finalement à Kyoto, en 1751.

Particulièrement actif en tant que peintre entre 1756 et 1765, Buson est graduellement revenu au haïku, meneur d'un mouvement en faveur du retour à la pureté du style de Bashô afin de purger le haïku de toute superficialité. Il s'est marié vers 1760. En 1771 il peint un ensemble célèbre de dix écrans avec le grand peintre Ike no Taiga, montrant qu'il était un des plus grand peintres de son temps.

La contribution principale de Buson au haïku est sa complexité et son oeil de peintre. La qualité technique du travail de Buson prend sa source dans l'aspect visuel de sa poésie.

 

Le groupe de poésie qu'il a constitué a édité son premier livre en 1772. Ses haïku sont construits sur un modèle plus objectif et plus pictural que celui de Bashô, profondément humain et touchant tout les domaines. Tandis que Bashô enseigne « maîtrise la technique, puis oublie là », la technique de Buson est moins transparente et ses poésies plus consciemment composées.

Il était un poète de sensibilité et d'évocation exacerbées. En 1776 son groupe construit une Basho-an (maison de Basho) pour des rassemblements. D'autre part, sa fille se marie cette année là, ce fut un mariage malheureux et cela affecta Buson.

En dépit de ses qualités de poète, on s'est rappelé de Buson plus en tant que peintre jusqu'aux essais par des auteurs japonais modernes tels que Masaoka Shiki et Hagiwara Sakutaro, qui ont rétabli sa réputation. En plus des haïku, il a écrit de plus long vers, influencés par les classiques chinois et japonais.

 

 

Issa (1763-1827)

Traduction libre de [GEO5022a]

 

Issa (1763-1827), poète japonais de haïku de la période d'Edo (1600-1868). Mieux connu par son surnom Issa, son nom d'enfance était Yataro et son nom d'état civil Nobuyuki. Il est né à Kashiwabara, maintenant intégrée à Shinano-machi (ville de Shinano), préfecture de Nagano.

 

Issa a écrit une poésie qui est particulièrement remarquable au vu de sa vie. Sa mère est morte quand il était très jeune, et la seconde épouse de son père était une marâtre qui le brima jusqu'à ce qu'il parte de la maison à l'âge de treize ans pour Edo (aujourd'hui Tokyo) avec l'aide de son père, où il vécu dans la pauvreté pendant vingt années. Sa vie à Edo est inconnue jusqu'en 1787, date où il est à l'école de haïku de Katsushika.  Issa a commencé à écrire des haïku à l'âge de 25 ans environ, ayant appris son art de Genmu et Chiku-a, et ayant eu Seibi Natsume en tant que patron.

Choisi pour succéder à son professeur décédé en 1791, Issa démissionne bientôt et erre dans tout le sud-ouest du Japon jusqu'à la mort de son père en 1801. Bien qu'il ait été héritier principal selon la volonté de son père, sa belle-mère et son demi-frère ont conspiré avec succès et privèrent Issa de son héritage pendant treize années supplémentaires. Il a écrit :

 

Mon vieux village,

chaque cher souvenir

perce comme une épine

 

Après avoir visité et vécu à divers endroits, y compris Kyoto, Osaka, Nagasaki, Matsuyama ainsi que d'autres villes à l'est du japon, Issa retourne chez lui à Kashiwabara à l'âge de 51 ans et épouse une jeune villageoise. Ses quatre enfants meurent tôt et son épouse en accouchant. Sa maison brûle. Il a vécu pendant quatre années supplémentaires, s'est marié de nouveau et eu finalement une héritière, qui naît peu après sa mort à l'âge de 65 ans. Le chef d'oeuvre d'Issa, le Ora haru ga (« L'Année de ma vie », 1820) relate ces événements. Ses autres travaux publiés sont « Journal intime à la mort de mon père » (1801) et « mon printemps » (1819).

 

Issa n'était ni autant à l'aise que Bashô ni aussi technicien que Buson. Issa a écrit une poésie plus personnelle dans une langue sans ornements, recourant souvent aux dialectes et au vocabulaire des conversations quotidiennes. Ses haïku sont ancrés dans une philosophie bouddhiste pure qui exprime une très forte dévotion qui évite les pièges du  dogmatisme religieux. Parfois plein d'humour ou sarcastique, de qualité souvent inégale, ses poésies sont estimées pour leur intense compassion et leurs accents poignants. Après la mort d'un de ses enfants, il écrit :

 

Ce monde de rosée

n'est rien qu'un monde de rosée,

mais

 

Comme c'est souvent le cas la partie la plus importante reste en suspend...

 

 

Shiki (1866-1902)

Extrait de la biographie par  Ryu Yotsuya et traduit par André Duhaime [YOTDU].

 

Image4Shiki Masaoka a débuté dans le monde du haïku en critiquant Bashô Matsuo. Il a critiqué de ses haïkus bien connus dans son essai Bashô Zatsudan (Variétés sur Bashô, 1893). Il n'a pas nié tous les travaux de Bashô, mais il a reproché à ses haïku de manquer de pureté poétique, d'avoir des éléments explicatifs et prosaïques.

 

D'un autre côté, Shiki a loué Buson Yosa qui était encore méconnu. Il a dit que ses haïku étaient techniquement raffinés et qu'ils transmettaient efficacement des impressions nettes aux lecteurs.

 

Après avoir découvert la philosophie occidentale, Shiki, convaincu que des descriptions laconiques de choses et de faits étaient efficaces pour l'expression littéraire et picturale, il a insisté sur l'importance du "shasei" (description d'après nature). Cette idée l'a amené à la description visuelle et à un style simple.

 

L'innovation de Shiki a eu un grand retentissement dans tout le Japon, et a réanimé le monde du haïku qui languissait.

[...]

 

Shiki a nié la valeur du haïkaï-renga et il utilisait toujours le mot "haïku" à la place de "haïkaï" ou de "hokku". Aujourd'hui, le haïkaï-renga est appelé "renku", mais peu de spécialistes s'intéressent à cette forme poétique.

 

NOTE:

Alain Kervern traduit "shasei" comme "croquis pris sur le vif" et Willy Vande Walle "croquis sur le vif".

 

 

 

 

 

Annexe

 

Paul Celan

 

Extrait :

 

« Lait noir de l'aube nous le buvons le soir

nous le buvons midi et matin nous le buvons

la nuit

nous buvons nous buvons

nous creusons une tombe dans les airs on n'y

est pas couché à l'étroit

Un homme habite la maison il joue avec les

serpents il écrit

il écrit quand vient le sombre crépuscule en

Allemagne tes cheveux d'or Margarete

il écrit cela et va à sa porte et les étoiles

fulminent il siffle ses dogues

il siffle pour appeler ses Juifs et fait creuser

une tombe dans la terre

il ordonne jouez et qu'on y danse »

 

Première parution sous le titre Tango de mort, en traduction roumaine, mai 1947, dans la revue de Bucarest Contemporanul.

 

 

 

Génération automatique de haïku

 

Sometimes Wacky-Awesome haïku Generator:

http://www.eecs.umich.edu/~anuxoll/haïku/

 

 

Site de publication de haïku

 

Aozora : Call to haïku publication:

http://web.wanadoo.be/tempslibres/hasee/en/callhaïku.html

 

 

 

 

Bibliographie

 

[HAI78] Haïku, Avant-propos et textes français de Roger Munier, Fayard 1978

 

[YOTDU] Histoire du haïku, par Ryu Yotsuya et traduit par André Duhaime, http://www.big.or.jp/~loupe/links/fhisto/fhisinx.shtml

 

[DUH] "haïku & CO" quelques expériences poétiques, ANDRÉ DUHAIME -   http://www.swarthmore.edu/Humanities/clicnet/litterature/moderne/poesie/duhaime.html

 

[GEO5022a] Issa Biography, http://www.geocities.com/Tokyo/Island/5022/issabio.html

 

[GEO5022b] Basho Biography, http://www.geocities.com/Tokyo/Island/5022/bashobio.html

 

[GEO5022c] Buson Biography, http://www.geocities.com/Tokyo/Island/5022/busonbio.html

 

[SKBIB] Comment and book about Shiki, http://www.geometry.net/authors/shiki.php

 

[BAS84] Bashô, Journaux de voyage ; traduit du japonais par René Seiffert – pof 1988

 

[SB01] Shiki's biography, http://www.kirjasto.sci.fi/shiki.htm

 

[SB02] Shiki Masaoka, par Ryu Yotsuya, http://www.big.or.jp/~loupe/links/ehisto/eshiki.shtml

 

[GOO] thème Haïku sur les directories de Google http://directory.google.com/Top/Arts/Literature/Poetry/Forms/haiku_and_Related_Forms/?il=1

 

[BPIC01] .worcester art museum, http://www.worcesterart.org/Collection/Japanese/1961.7.html

 

[BPIC02] Bashô's Frosch – haïku, http://www.teeweg.de/de/literatur/basho/furuikeya.htm

 

Image7

 

 

 

Dans le vieil étang

Une grenouille saute

Un ploc dans l'eau!

Matsuo Basho

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 Je conserve le terme haïku (sans majuscule) même pour le pluriel.

2 TODO: expliciter (c'est surtout une traduction trop littérale de l'anglais).

3 Cf http://pages.infinit.net/haïku/canangl.htm#drevniok

4 Cf en annexe

5 Cf par exemple http://wordfield.home.att.net/

6 Référence à http://www.amazon.com/exec/obidos/ASIN/4770014309/103-8671041-6480638

7 Cf http://hometown.aol.com/Jemrich/haïkuHabit.html

8 http://www.english.uiuc.edu/maps/poets/a_f/everson/everson.htm